Le label monastique, c'est chic, exemple dans les abbayes de Saint-Wandrille et du Bec-Hellouin
Commerce. Les produits monastiques ont le vent en poupe à la faveur de l’attrait pour la «consommation raisonnable».
Illustrations dans la région. Publié le 10/10/2015 á 23H14 Dans la boutique de l’abbaye bénédictine de Saint-Wandrille, on trouve des produits monastiques venus de toute la France Dans la ciergerie, au-dessous de l’oratoire du monastère Sainte-Françoise Romaine, au Bec-Hellouin, deux moniales sont occupées à fabriquer des bougies, la spécialité depuis des lustres de ces sœurs bénédictines.
Des bougies décoratives, fabriquées artisanalement, à la main, pour décorer tables de fêtes, de mariages ou de baptême. Dans un silence de cathédrale. « Nous les vendons dans notre boutique, mais aussi dans d’autres monastères, jusqu’en Angleterre », souligne Sœur Marie-Bénédicte, Mais aussi sur internet.
La parente d’une de nos sœurs nous a aidées à concevoir le site et assure aujourd’hui sa gestion. Une production de 20 000 bougies par an, avec un pic à l’approche de Noël. Pourtant, seules entre cinq et huit moniales travaillent à la ciergerie. Et pas plus de 4 h 30 par jour. « Nous sommes là pour prier. C’est pour cela que nous ne pouvons pas toujours répondre à la demande, mais nos clients sont compréhensifs », sourit la moniale. D’autant que le produit monastique, conçu ou fabriqué dans les monastères, a le vent en poupe. Et s’adapte au goût et aux modes. « Depuis quelque temps, nous produisons des bougies brutes, dont les couleurs sont à la mode, dans les gris, les taupes, les verts. Cela marche très bien. » Le produit est devenu tendance et permet de couvrir entre 15 et 20 % des dépenses du monastère. À l’Abbaye du Bec, à quelques centaines de mètres, les moines ont développé une production artisanale de faïences depuis plus près de 60 ans. À Rouen, les Bénédictines fabriquent des biscuits et autres pêchés de gourmandise. « Les gens recherchent des produits naturels, mais aussi des produits qui ont un supplément de sens, où le rapport avec le travail est différent, » souligne Pierre van den Broek, le fondateur du Comptoir des Abbayes, la boutique de produits monastiques ouverte il y a deux ans dans le 1er arrondissement de Paris. Fraise-Fraise des Bois, framboise ou rhubarbe-banane, les confitures fabriquées « selon un procédé artisanal très étudié » par les carmélites du Havre, font un carton dans les rayons.
Dans la boutique parisienne, 30 % de la clientèle est étrangère. Le produit monastique est presque devenu un remède anti-mondialisation dans une économie où tout va très vite. Un marketing inexistant ou presque, des circuits courts, peu ou pas d’intermédiaires, le produit monastique a pourtant son label Monastic, et son réseau de distribution en boutiques dans plusieurs grandes villes de France ainsi qu’un site internet qui regroupe près de 4 000 références, la Boutique de Théophile. Les moines n’ont pas attendu les modes pour innover. Là, les fruits et les légumes sont labellisés bio depuis vingt ans, ailleurs, l’abbaye de Sept-Fons fabrique des compléments alimentaires depuis les années trente. L’activité s’est professionnalisée.
Les moines entrent dans les ordres avec un bagage et des compétences qu’ils mettent au profit de la communauté. L’Alexion, une boisson fortifiante aux 52 plantes, fabriquée dans la Drôme, fait un carton. Des produits que l’on trouve aussi dans la région, dans la boutique de l’abbaye de Saint-Wandrille, près de Caudebec-en-Caux. Si les moines bénédictins se sont fait une spécialité des cires et encaustiques, « nous proposons en tout 3 000 références, dont cinq cents objets religieux. A Saint-Wandrille, nous avons beaucoup de passage, cela offre une vitrine à des communautés plus reculées. » explique le père Benoît, le responsable de la boutique. « C’est vrai que les gens apprécient les produits monastiques, symboles de qualité et de tradition. Cela permet aussi de soutenir les communautés » souligne le gestionnaire. Aujourd’hui, les produits ne sont plus fabriqués à Saint-Wandrille, mais sous-traités selon un cahier des charges très précis, et selon les recettes séculaires de l’abbaye. « Nous n’avons jamais voulu céder aux sirènes de la grande distribution », poursuit le père Benoît, qui espère produire une bière d’abbaye d’ici l’an prochain. La seule en France. « Je viens trois ou quatre fois par an. Pour moi et des amis qui me passent commande », explique Armelle, venue en voisine de Lillebonne. Elle choisit des entremets pour une amie, et en profite pour lui préparer un panier garni pour ses 90 ans. « C’est toujours là que j’achète la cire anti-glisse pour mon parquet ». Thérèse vient au moins une fois par an du Havre « dans cet endroit apaisant », et passe toujours par la boutique. pour acheter de la confiture de lait pour sa fille : « elle n’a pas le même goût que dans le commerce ». Pour soutenir la communauté aussi, et qu’« elle continue à ouvrir ses portes ». Pas trop tout de même. Dans les monastères, le silence aussi est d’or. OLIVIER CASSIAU