Marketing au Monastère - Boutique Théophile
Comment les moines font leur business
MARION KINDERMANS / JOURNALISTE ET SYLVIE JOLIVET / CORRESPONDANTE À CLERMONT-FERRAND | LE 10/09 à 17:35
Les produits fabriqués par environ 200 abbayes ont le vent en poupe. Ce secteur de niche prend les codes du haut de gamme de l’épicerie fine. Fabrication de la liqueur de la Chartreuse. - JEAN-PIERRE /AFP Complément alimentaire pour les intolérants au gluten, crème antirides à la gelée royale, cosmétiques pour les hommes, plantes en gélule à dissoudre dans l’eau… les monastères se lancent dans l’innovation et les produits tendance. En France, plus de 200 abbayes – sur les 340 réparties sur l’Hexagone – fabriquent des produits alimentaires, textiles, ou cosmétiques. Jusque là, rien de nouveau. Cela fait des siècles que les moines usent du travail de leurs mains pour faire vivre leur communauté. Mais, depuis quelques temps, cette production a sacrément le vent en poupe. « D’après ce que j’ai pu recueillir auprès des moines, on peut estimer ce marché à environ 75 millions d’euros », avance Marie-Catherine Paquier, enseignante / chercheur spécialiste du sujet à Novancia. Malgré des prix de vente relativement élevés, qui flirtent avec ceux des épiceries fines, les acheteurs, et pas uniquement de croyance religieuse, sont là. « Le produit répond à des attentes très actuelles des consommateurs : matières naturelles, quête de sens, authenticité, achats engagés », décrypte Marie-Catherine Paquier. Difficile d’affirmer que les chiffres d’affaires – très peu communiqués – sont à la hausse. Mais, en plus des 143 magasins d’abbayes, les lieux de vente s’élargissent. Le site spécialisé les Boutiques de Théophile revendique 4.000 références. Une douzaine d’abbayes ont pris le virage numérique en créant leur propre site. Ils concurrencent un autre généraliste, L’Artisanat Monastique, qui gère en plus un réseau de 7 boutiques en propre dans toute la France. Même les entrepreneurs flairent la bonne affaire. C’est le cas avec l’enseigne Comptoir des Abbayes. Eclairage étudié, meubles design, agencement léché des produits, espace restauration… difficile d’imaginer un univers religieux quand on franchit les portes de cette élégante boutique située à deux pas de l’Opéra, dans un des quartiers les plus touristiques de la capitale. Pierre van den Broek, ex-patron d’Interim Management, reconverti dans le capital-investissement, a misé sur ce secteur de niche en rachetant l’enseigne en 2013. Il a, depuis, développé le site Internet et cherche à déployer la marque dans des lieux inédits. Espaces de vente Des espaces de vente ont ouvert cet été dans des abbayes reconverties en hôtels de luxe du groupe Hôtels & Patrimoine, d’autres pourraient s’installer dans les aéroports ou les grands magasins. L’idée est de capter la clientèle asiatique et américaine, friande du made in France. « Nous voulons sortir ces produits d’un registre purement confessionnel », admet Pierre van den Broek. Reste qu’il est de plus en plus difficile pour les monastères de revendiquer une production 100 % maison. La plupart ont déjà opté pour la sous-traitance de tout ou partie de leurs produits. Et le phénomène risque de s’amplifier. « Les moines sont confrontés à des normes alimentaires ou cosmétiques de plus en plus contraignantes et à une pyramide des âges vieillissante. Sans le cacher, ils ont de moins en moins les moyens de fabriquer eux-mêmes », relève Marie-Catherine Paquier. C’est le cas par exemple de l’abbaye de Saint-Wandrille, ou de Ganagobie. Le secteur doit s’adapter. Une sorte de charte éthique s’était déjà montée avec le label Monastic. Lancé en 1989 pour contrer l’utilisation abusive de l’image monastique utilisée par exemple par le fromage Chaussé aux Moines, il impose que les produits soient fabriqués dans l’enceinte. Ce qui est de moins en moins le cas. Un nouveau logo est donc en chantier. « La marque doit évoluer pour garder sa crédibilité. Il ne faudrait pas perdre le capital confiance », déclare ainsi frère Nathanël, vice-président de l’association Monastic. Au risque de perdre celle des acheteurs… L'article en ligne sur le site LesEchos.fr : http://www.lesechos.fr/journal20150911/lec2_pme_et_regions/021249004365-comment-les-moines-font-leur-business-1154404.php